Afrique et Europe, ne nous dites pas ce que vous êtes ; dites-nous ce que vous avez - ce que vous offrez - ce que nous pouvons obtenir de vous. Cette demande solennelle, inspirée de façon provocante du "principe d’égoïsme" édicté par le célèbre philosophe et économiste écossais Adam SMITH dans La richesse des nations (1776), nous a conduit à constituer et à analyser des corpus de discours particuliers y répondant et représentatifs du Web francophone.
Que disent donc ces discours-là qui disent ce que l’Afrique "a"/"offre" et ce que l’Europe "a"/"offre" ? Précisons que les verbes "avoir" et "offrir" sont utilisés ici de façon générique (nous passons sur les questions de technique et de méthode). Le tableau ci-après présente, pour chaque corpus, les références significatives associées et leurs poids relatifs (en %).
Si on ne regarde que les dix premières références associées à chaque corpus de discours ("corpus-Afrique" versus "corpus-Europe"), on peut faire les observations suivantes :
1. L’Europe se donne à voir comme une actrice géopolitique qui "a" et qui "offre" un pouvoir ("moyens", "capacité") ET un devoir d’action ("aide", "soutien", "projet", "plan"), un rôle à jouer, un regard ("les yeux sur..."), une présence et une implication ("les pieds dans..."). Mais, on l’aura noté, cette Europe-là est confrontée à des problèmes (on pense à la crise des dettes souveraines qui secoue actuellement son système financier, économique et social et qui exige d’elle une réponse politique).
2. Quant à l’Afrique, elle se présente comme disposant et offrant des atouts, un potentiel de croissance économique reposant essentiellement sur ses ressources/richesses naturelles (dont le pétrole en particulier) mais aussi culturelles. On notera surtout que cette Afrique-là est "mise en tension" avec son histoire, sa responsabilité et à ses besoins.
On estime que l’extraction des ressources naturelles est responsable d’environ 25% du PIB africain. Mais le potentiel économique du continent africain dépasse de loin cette donnée. En effet, l’Afrique a un immense besoin d’infrastructures : routes, aéroports, centrales électriques, réseaux de télécommunications, industries agroalimentaires etc.. Sans oublier qu’elle dispose d’un bassin de consommateurs réels et potentiels qui s’agrandit chaque année (selon la Banque Mondiale, l’Afrique a atteint son milliard d’habitants). Et pourtant, très paradoxalement, de toutes les régions du globe, l’économie africaine est celle qui tourne bien en deçà de ses potentialités. Avec un PIB global de moins de 3% du PIB mondial, l’Afrique est économiquement le continent le plus pauvre du monde. Il faut donc qu’elle devienne elle-même pleinement actrice de son essor économique en prenant véritablement les choses en main, en transformant ce qu’elle a en puissance (son potentiel) en réalité, en réalisations concrètes. Là est sa responsabilité historique. Le 9/9/1999, les Chefs d’Etat et de gouvernement de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) adoptaient, à Syrte, une déclaration dans laquelle ils demandaient la création de l’Union africaine en vue, entre autres, de "créer les conditions appropriées permettant au continent de jouer le rôle qui est le sien dans l’économie mondiale et dans les négociations internationales" ET de "promouvoir le développement durable aux plans économique, social et culturel, ainsi que l’intégration des économies africaines." Dit autrement, ce que les leaders politiques africains demandaient pour la conduite du navire nommé Afrique, c’était de la gouvernance et des moyens pour transformer le potentiel économique africain en opportunité de développement. Mais où en sommes-nous aujourd’hui, plus d’une décennie plus tard ?